mercredi 6 février 2008

Taxis en grève - le moment de vérité

Je dois admettre que la lecture des propositions de la commission Attali m'avait profondément réjoui. A côté des concessions clientélistes qui ont émaillé le début du quiquennat du Président Sarkozy (marins pêcheurs par exemple), l'irréprochable ami de gauche pouvait énoncer sans contrainte les mesures concrètes que l'Etat se doit d'entreprendre pour favoriser la croissance en France.

Quelques observations:
  1. Ces mesures ne relèvent pas de la fiction - le gouvernement peut les entreprendre par son action; et il n'est pas nécessaire de fustiger JC Trichet, Georges Bush ou le Dalai Lama pour les appliquer
  2. La commission et ses propositions ne sont pas un instrument politique. Pluridisciplinaire, rassemblant des intervenants de tous bords, on ne peut pas taxer ses participants de partialité. Quant aux propositions, elles sont avant tout pragmatiques; elles s'appuient sur des exemples non partisans et plusieurs écornent des groupes d'électeurs réputés acquis au Sarkozysme
  3. Quoique fort respectable, l'action du gouvernement concernant tous les sujets détachés du thème du rapport est dénuée d'intérêt. Les préoccupations des français sont avant tout matérialistes: emploi, pouvoir d'achat, retraites... mettre en perspective que la croissance de notre économie est une condition nécessaire à toute amélioration sur ces thèmes cruciaux devrait être un jeu d'enfant. Et faire de la croissance, et donc de ces propositions, le coeur de l'action du gouvernement - une évidence.
Depuis... ni l'opinion, ni les médias, ni le gouvernement, ne semblent se faire à ces propositions.

L'essentiel des grands médias ont bien couvert initialement les propositions du rapport, salué le courage de certaines, décidé qu'elles étaient "d'inspiration libérale". Bref: comme d'habitude, le fond a été traité à la va-vite par des journalistes incompétents et des rédactions anxieuses de trouver une réaction spectaculaire, un embryon de révolte, pour couvrir ce qui sinon devait paraitre trop fade.

L'opinion, dans l'ensemble incrédule, se demande bien comment ces propositions vont pouvoir améliorer le quotidien de chacun. Faute de repères, d'explication ou de critique raisonnée, les commentaires à l'antenne par exemple, se cantonnent aux réflexes corporatistes de qui se sent menacé par telle ou telle mesure.

Le gouvernement quant à lui brille par son absence du débat. On entend guère que JF Coppée à l'assemblée qui s'élève contre le caractère peu attractif de ces mesures à l'approche des municipales.

La grêve des taxis arrive donc à point nommé. Les médias se régalent - bouchons, interviews colorés, récits misérabilistes. L'opinion comprend enfin quelque chose: Attalli=pauvres taxis=bouchons. Et le gouvernement se précipite pour adoucir, brosser dans le sens du poil, en somme priver de toute substance la seule action qu'il devrait entreprendre avec force.

C'est le moment de vérité de Nicolas Sarkozy. Dôté de ce qui devrait être son seul programme, sous la pression de l'opinion, et au moment ou les Français en ont le plus besoin, il faut reprendre l'initiative pour expliquer, défendre et vendre ce programme, et passer à l'action pour imprimer ces changements frappés de bon sens - le tout avec force et détermination.

Il y a un an, The Economist faisait sa une avec une photo de Margaret Thatcher sur fond de drapeau tricolore "What France needs". Les taxis de Sarkozy peuvent être les routiers de Juppé ou les mineurs de Thatcher. Le choix est simple et imminent. Gageons que Sarkozy restera droit dans ses bottes un peu plus longtempts que Juppé.